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Chers amis,
Je suis ravie d’avoir un débat approfondi, un débat de fond, avec vous, sur un sujet crucial, au cœur de notre engagement militant : la République. L’histoire du radicalisme est intimement liée à celle de la République. Nous, Radicaux, avons porté son enracinement, sa force, son esprit protecteur.
Or, aujourd’hui, le constat est unanime : la République est à bout de souffle. Non pas son esprit, ni ses principes, qui demeurent universels, mais la forme dans laquelle elle s’incarne.
L’engagement citoyen, classique, partisan ou syndical, est en crise. Même les jeunesses du pays, pourtant si promptes à la révolte et à l’indignation, expriment un désintérêt pour les affaires publiques et politiques. Les partis extrémistes et antirépublicains ne cessent de progresser.
Faut-il rappeler qu’aux dernières élections municipales, pour la première fois, plusieurs communes françaises n’avaient aucun candidat !
On dit généralement que les institutions de la Cinquième République sont protectrices parce qu’elles ont limité les crises politiques. C’est vrai, certaines crises ont été évitées, limitées, mais elles ont donné naissance à un malaise rampant, bien plus profond, bien plus grave.
En l’absence de pacte de gouvernement, comme en Angleterre ou en Allemagne, la majorité gouvernementale se divise et se discrédite. Le fait majoritaire empêche le consensus, engendre des oppositions de posture, et rompt la continuité de l’action publique : cela dévalorise le travail des élus et crée une défiance totale vis-à-vis de la politique.
Alors, oui, face à cette crise du politique, il faut changer de République !
Mais pour changer, il ne faut pas avancer par à-coups, il ne faut pas segmenter le débat. C’est l’erreur qui a été commise jusqu’ici.
Depuis près de 60 ans, on cherche à régler les problèmes, par petits bouts, sans vision d’ensemble. Le quinquennat était censé régler tous les maux, le remède a été pire que le mal. L’inversion du calendrier électoral a été l’erreur de trop : elle a renforcé la légitimité d’un seul homme au détriment de celle des élus de la nation.
La réforme constitutionnelle de 2008, oui, je l’ai votée avec les autres parlementaires radicaux, parce qu’elle permettait un plus grand pluralisme. Mais elle n’était qu’un simple rafistolage, un simple rapiéçage : quelques dispositions modifiées, de ci, de là, sans vision globale. Nicolas Sarkozy souhaitait faire un coup politique, il nous a laissé une République dont les coutures, mal ajustées, craquent. Tout simplement parce que les objectifs d’une telle réforme ont été ignorées. Ne commettons pas les mêmes erreurs !
Ces objectifs, quels sont-ils ?
Premièrement, il nous faut clarifier le rôle de nos institutions, qu’il s’agisse de la suppression du Premier ministre ou du renforcement du rôle du Parlement. Je n’y reviendrai pas, nous en avons déjà longuement débattus.
Deuxièmement, le pluralisme politique doit être davantage réaffirmé. La diversité politique, très marquée à gauche, n’est pas une faiblesse, c’est une force. La force d’une gauche exigeante, parfois intransigeante. D’une gauche qui s’allie non pas au gré des circonstances électorales mais parce qu’elle partage un objectif commun, un but orienté vers le progrès.
Pour cela, il nous faut, par exemple, institutionnaliser la tenue de primaires avant l’élection présidentielle. Pour permettre la bonne tenue des scrutins – je crains d’ailleurs le pire aux primaires de droite pour 2017 – mais aussi pour permettre à chaque parti d’exprimer ses idées, sans mettre en péril la victoire de son camp.
En 2011, j’étais opposée à l’idée d’une candidature parallèle à celle de François Hollande. Néanmoins, je dois reconnaître que le PRG est sorti renforcé des primaires. En particulier à Saint-Pierre-et-Miquelon, où le candidat Baylet, notre Président, est arrivé en tête avec 40 % des suffrages… Le meilleur score de France !
Troisième objectif : renforcer la transparence de l’action publique. Il ne s’agit pas de mettre des micros partout, ni d’embaucher des conseillers avec des dictaphones dans les poches… La transparence ne se limite pas non plus à celle des élus et des hauts fonctionnaires. Non, il s’agit de rendre plus visibles, plus transparentes, les décisions que l’on prend.
Je prendrai, pour exemple, la mise en ligne des données, sur les projets d’aide française au développement, dans les 16 pays prioritaires. Ce n’est pas une promesse pour 2018… c’est déjà en ligne pour 5 pays et cela le sera pour les 16 pays d’ici la fin de l’année.
Ce type de démarches doit être généralisé et ce ne sera rendu possible qui si le principe de transparence vient irriguer l’architecture de nos institutions.
Le quatrième objectif, c’est l’ouverture de la vie politique à la société civile. Non pas de manière cosmétique, par souci d’affichage ou de récupération. Non, il nous faut inscrire dans la Constitution, le rôle fondamental de la société civile au sein même de nos institutions.
C’est indispensable au vu des nouvelles formes d’engagement citoyen. Nous ne pouvons pas ignorer que nombre de nos concitoyens préfèrent s’engager dans une association pour une cause précise, plutôt que d’être élus d’un territoire avec une compétence plus générale. L’acte civique ne s’arrête pas au droit de vote ! Il nous faut savoir capter, transformer la richesse de cet engagement citoyen en engagement politique.
Etant issue du secteur associatif, j’en étais déjà convaincue. Je le suis d’autant plus avec mes nouvelles fonctions : l’aide au développement transite en partie par les ONG. Ce ne sont pas les montants les plus élevés – les États fournissent de loin les plus gros montants d’aide – mais c’est la partie la plus visible, la plus populaire… L’une des grandes avancées de la loi sur la solidarité internationale que j’ai fait voter avant l’été, c’est justement de mieux intégrer l’ensemble des acteurs du développement.
Par exemple, en instaurant un Conseil national de la solidarité internationale, qui regroupe l’État et les collectivités bien sûr, mais aussi les syndicats, les chercheurs, les entreprises et bien évidemment les ONG.
Autre exemple, également dans mon champ de compétence : les négociations internationales sur le climat. Pour y parvenir, les pays en développement doivent être soutenus dans leur combat contre les effets du dérèglement climatique, mais aussi dans leur transition écologique.
La mobilisation existe, un mouvement a commencé, et je crois que tous les acteurs doivent y prendre part : les collectivités locales (plus de 2 000 villes se sont engagées à New York lorsque j’y étais pour l’Assemblée générale des Nations-Unies), mais aussi les entreprises (plus de 1 000 entreprises se sont déjà jointes à ce mouvement), et les acteurs de la finance : les fonds de pension, les fonds d’investissements, les assureurs… Nous aurons besoin de tous !
Le cinquième objectif d’une République rénovée, c’est une meilleure intégration de la jeunesse, de toutes les jeunesses, quel que soit l’origine sociale ou géographique. Ce n’est pas par jeunisme, ni parce que je suis conseillère d’éducation et de jeunesse populaire de formation. C’est tout simplement pour éviter une fracture générationnelle et pour assurer le renouvellement des idées.
Il y a un décalage fondamental dans notre société entre un système d’information qui s’accélère et le renouvellement d’idées qui semble ralentir considérablement. Bientôt, l’information prendra le pas sur la réflexion. Et cela a déjà commencé ! Le changement des mentalités opère moins rapidement. Si le mariage pour tous faisait l’unanimité parmi les jeunes, ce n’était pourtant pas le cas parmi les autres tranches d’âge…
Comment, dès lors, intégrer les jeunes générations en s’assurant la représentation de leur diversité, sans pour autant les embrigader ? On a bien instauré la parité liée au genre ; pourquoi ne pas proposer une représentation intergénérationnelle ?
Cette proposition est bien évidemment provocatrice. Mais on ne peut pas sérieusement penser l’avenir sans y associer légitimement ceux qui le constitueront. En arrivant au Quai d’Orsay, ma première priorité a été d’élaborer une stratégie jeunesse envers les pays du Sud. Le développement des pays les plus vulnérables, tout comme le rayonnement de la francophonie passera par les jeunes générations ! Vous me direz : leur démographie est de plus en plus jeune ? Oui, mais la nôtre est vieillissante, c’est bien ce qui nous oblige à mener une telle réflexion.
Sixième objectif, c’est l’adaptation de nos institutions à une future fédération européenne. On ne peut pas renforcer les institutions européennes et garder les mêmes institutions en France. Cela ne fonctionnera pas. En tant que vice-présidente de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, j’ai constaté la difficulté à faire coïncider les travaux législatifs européens et nationaux.
Toutes nos institutions devraient être réformées pour mieux intégrer la dimension européenne, pour mieux associer les Français aux décisions prises à Bruxelles. Et qui mieux que nous, les Radicaux, Européens convaincus, fédéralistes, peuvent porter cette demande ?
Car oui, sur tous ces aspects, les Radicaux peuvent être entendus :
- Clarifier le rôle de nos institutions ? C’est un débat que nous portons depuis le début.
- Assurer le pluralisme politique ? Nous le faisons vivre chaque jour en nous différenciant de notre puissant allié.
- La transparence ? Certes, nous avons des progrès à faire… mais nous sommes sur le bon chemin…
- L’ouverture à la société civile ? Elle est au cœur du projet radical, qui met l’individu au centre d’une société interdépendante. Nous nous sommes battus pour le suffrage universel direct. Nous nous battrons pour associer l’engagement citoyen aux institutions.
- La jeunesse ? Rare il y a quelques années au sein de notre parti, elle est de plus en plus active et exigeante. Quand j’explique aux journalistes que le mouvement des JRG grossit, je peux vous dire qu’ils ont du mal à le croire ! C’est pourtant une réalité. D’ailleurs, deux d’entre eux travaillent dans mon cabinet.
- Enfin, l’adaptation de nos institutions au contexte européen ? Je l’ai déjà dit, nous sommes les mieux placés pour porter ce projet !
La réforme de nos institutions est indispensable. Mais elle ne doit pas être une énième fuite en avant. La Sixième République ne doit pas devenir un concept vague, qui permettrait de repousser toute tentative de réforme à un changement constitutionnel.
Les institutions parfaites n’existent pas. Elles doivent simplement s’adapter aux défis de leur temps. Pierre Mendès France le disait si bien : « La République doit se construire sans cesse car nous la concevons éternellement révolutionnaire, à l’encontre de l’inégalité, de l’oppression, de la misère, de la routine, des préjugés, éternellement inachevée tant qu’il reste des progrès à accomplir.»
Poussons cette exigence révolutionnaire, sans sombrer dans la facilité.
La défiance politique actuelle tient également à d’autres facteurs, et notamment aux partis politiques. Je ne vous parlerai pas de Bygmalion. Je ne vous parlerai pas de la formation professionnelle. Je ne vous parlerai pas des cartes, des procurations… Non, les media l’évoquent assez. Mais je veux tout de même poser cette question : peut-on avoir une République adaptée sans des partis exemplaires ?
Les institutions ne doivent pas être l’unique bouc-émissaire. Il ne faut tomber dans aucun excès. Et le mérite de cette Convention, c’est justement de les avoir évités. Je remercie tous ceux qui ont contribué à son organisation et à sa tenue.
C’est de cette façon que le débat sur l’avenir de nos institutions doit avoir lieu. Pas sur des plateaux télé pour séduire un public. Pas à l’occasion d’un défilé, une semaine avant les élections présidentielles. Mais sous cette forme, autour de débats et d’ateliers de travail précis.
Nous faisons honneur à cette question fondamentale puisque nous proposons des solutions. Au vu du contexte actuel et face au pessimisme ambiant, il est indispensable que nous continuions à formuler des solutions. Je terminerai sur ce point.
Etant une femme politique de terrain, je privilégie toujours une approche par les solutions. C’est celle que je porte au quotidien, notamment à l’approche de la Conférence Climat qui se tiendra à Paris en 2015, et pour laquelle je suis pleinement engagée aux cotés de Laurent Fabius et de Ségolène Royal. Face au changement climatique, il y a plusieurs manières de procéder :
- Abandonner parce que la tâche paraît insurmontable ? C’est sacrifier les générations futures, c’est irresponsable.
- Crier au feu et au catastrophisme ? Cela se fait depuis longtemps mais pour l’instant, ça n’a pas été suffisamment efficace.
- Apporter des solutions ? C’est ce que je fais, en allant sur le terrain, en montrant ce qui peut être réalisé pour lutter contre le changement climatique et pour s’adapter à ses effets ; en réunissant autour de la table des négociations, pas seulement les pays les plus grands, les plus avancés, les plus polluants, mais aussi les plus vulnérables, ceux qui sont le plus affectés par le changement climatique. C’est ainsi que nous parviendrons à un accord ambitieux.
On peut définir la gauche et la droite comme on l’entend, mais en définitive, ce qui réunit la gauche, sa raison d’exister, c’est l’espoir, l’espoir de lendemains meilleurs. Nous ne devons pas perdre cette bataille.
Or, je dois dire que le pessimisme a pris une longueur d’avance… et j’ai bien cru que notre parti allait aussi y basculer…
Les difficultés auxquelles la France est confrontée sont grandes. Comme pour le climat, comme pour la réforme des institutions, il y a plusieurs options. Pour ma part, j’ai toujours préféré le combat au défaitisme. C’est aussi ce que les Radicaux ont toujours fait. C’est ce que nous faisons au travers de cette convention. Par esprit de responsabilité. Pour faire avancer la société française. Parce que nous sommes convaincus qu’unis, nous pouvons réussir. Oui, nous pouvons réussir !
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