Le commentaire – pour le moins virulent à mon égard – de « MLM » posté sur l’article précédent concernant mes déclarations sur l’affaire Seafood, me permet finalement de faire une « petite » mise au point.
S’engager en politique, c’est exprimer ouvertement ses opinions et fatalement s’exposer à la critique. C’est la règle du jeu et je l’accepte volontiers. Sur ce blog, comme sur celui de Cap sur l’avenir, nous n’avons jamais hésité à publier nos prises de position et les commentaires, même très critiques à notre encontre, que des internautes ont voulu poster. La liberté d’expression est pour nous la base incontournable d’une société qui respecte ses citoyens.
Une autre valeur qui me tient – qui nous tient – à coeur, c’est le langage de la vérité : le parler vrai ! Aussi, quand je lis le message de « MLM », je trouve le raccourci un peu rapide. Je n’attends pas que les choses se fassent pour ensuite « critiquer » et « démolir ». J’ai pour habitude lorsque l’on me soumet un projet, non seulement d’en prendre connaissance, mais aussi de l’étudier et de faire quelques vérifications, avant d’apporter un jugement ou d’émettre une opinion.
Concernant la reprise d’Interpêche par « Seafood », par deux fois j’ai rencontré M. HANSEN avant le dépôt de son dossier, mais il n’a pas su me convaincre de la solidité de son projet. C’est vrai, j’ai donc dès le départ émis des doutes sur la viabilité d’une telle entreprise. Mais le Président du Conseil Territorial, le Préfet de l’époque et les salariés de l’époque voulaient tellement croire en cette solution miracle que je n’ai pas été entendue, pas plus d’ailleurs que mon collègue conseiller territorial Yannick CAMBRAY. Si on peut comprendre cette « foi du désespoir » qui animait des salariés en phase d’être licenciés, on pouvait s’attendre par contre à plus de recul et de discernement de la part de responsables politiques et de hauts fonctionnaires.
Avais-je tort ? Non ! 22 mois plus tard, après 6 millions d’euros d’argent public mobilisé (voir tableau récapitulatif :
subvpubseafood.pdf), nous devons faire face à une société en dépôt de bilan, avec un déficit de 1 million d’euros !
Je ne prendrais qu’un deuxième exemple, celui du « Cabestan ». Avant même l’achat du navire « Locmaria », j’avais exprimé clairement, suite à certaines recherches que nous avions effectuées, nos profondes inquiétudes sur l’état de ce bateau. Je ne reviendrai pas sur les tristes péripéties du navire que tout le monde connait. Avais-je tort ? Encore une fois, non ! D’ailleurs je viens d’apprendre que le « Cabestan » part de nouveau en cale sèche cette fin de semaine… no comment…
Faudrait-il que j’assume ces deux fiascos financiers et humains ? Non plus ! Ils auraient pu être évités si l’on m’avait écouté. Par contre, quand tout le monde est dans la mouise (et je reste correcte), là on sait venir trouver le Député pour un appui ou qu’il trouve des solutions.
Pour revenir au dossier Seafood qui nous préoccupe, je ne me défilerai pas, comme je l’ai dit à la quarantaine d’employés qui s’étaient déplacés à ma permanence la semaine dernière, et comme je l’ai répété hier aux représentants du Collectif de salariés qui venait de se créer, et avec qui je me suis entretenue, je serai à leurs côtés pour les épauler et les aider dans cette phase de transition difficile, afin de trouver des solutions pour repartir sur des bases nouvelles et saines. Mais pour cela, il faut savoir tourner la page, or, il ne faut pas se voiler la face, il y aura fatalement de mauvais moments à passer.
Il est important de tourner cette page Seafood pour pouvoir envisager l’avenir plus sereinement, mais il faut avant tout que les choses soient dites, pour remettre les compteurs à zéro, crever l’abcès et que toutes les erreurs du passé soient actées pour travailler sur l’avenir. Le Président ARTANO ne veut regarder que l’avenir et pour cause… Il doit cependant assumer ses choix, cesser de distiller des contre-vérités pour masquer ses mauvaises décisions et entretenir ce jeu de poker-menteur dont les pions sont les salariés de Seafood.
Stéphane ARTANO, comme l’auteur du commentaire « MLM » tendraient à me rendre responsable des déboires de la société Seafood… c’est me prêter beaucoup, de pouvoir ! Même si je n’ai pas voté le rachat par le Conseil territorial des parts de la SEM pêche détenues par Seafood, l’opération s’est faite et l’entreprise a touché son argent tout comme les autres subventions et autres aides publiques. Ce n’est pas moi qui ai dilapidé en 22 mois près de 6 millions d’euros, je n’ai juste pas cru à ce projet dès le début et je l’ai dit haut et fort.
Pour le reste, je n’ai fait que rétablir la vérité lorsque le Président du Conseil territorial ou la direction de Seafood ont présenté de mauvais arguments pour se désengager de leurs responsabilités dans ce naufrage :
- En ce qui concerne l’engagement de Seafood à investir 4 millions de dollars dans les 3 premières années de fonctionnement, voici la page 15 du dossier de reprise déposé par Seafood le 18 avril 2009 qui stipule noir sur blanc cet engagement, or personne n’a vu la couleur d’un cent :
repriseseafoodp15.pdf
- En ce qui concerne la répartition prévue des quotas 2/3 – 1/3 entre le Pôle St-Pierre et le Pôle Miquelon, voici la page 25 de ce même dossier de reprise où cet accord est spécifié. A l’inverse de tout ce qui a été affirmé par le Président ARTANO et certains représentants de Seafood, cette répartition était bel et bien actée avant la reprise d’Interpêche et n’est certainement pas un éléments nouveau survenu après la reprise et qui aurait déséquilibré le plan Seafood :
repriseseafoodp25.pdf
Mais il y a aussi les questions qui fâchent :
- Pourquoi Seafood a laissé en 2 ans près de 1000 tonnes de quotas à l’eau, alors qu’il était pourtant spécifié dans le dossier de reprise, page 25 (voir document plus haut) : « La rentabilité de l’entreprise ne peut accepter de ne pas avoir l’ensemble des quotas pêchés et traités. » ?
- Que sont devenus les près de 6 millions d’euros d’argent public ? Les réponses restent d’un flou très artistique. Selon le Président ARTANO, la banque affirme qu’ils sont restés localement… mais où ? En tout cas pas dans deux nouvelles machines Baader, ça se saurait !
Par ailleurs, le Président ARTANO a la mémoire bien sélective quand il déclare la semaine passée en radio que je n’ai jamais rien obtenu en son temps pour soutenir Interpêche et aider la filière pêche qui traversait une crise majeure fin 2007.
Pourtant, je me suis battue, notamment auprès de Christian ESTROSI (alors Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer) pour que l’Etat respecte sa parole et verse à Interpêche les 90 000 euros prévus pour le départ en préretraite de 5 ou 6 salariés, et nous les avons obtenus !
J’aimerais aussi lui rappeler, qu’à l’automne 2007, alors que la situation était critique, c’est moi qui ai obtenu de Michèle ALLIOT-MARIE, l’organisation le 14 décembre 2007 de la première table ronde à Paris sur la filière pêche en général et le dossier Interpêche comme le confirme ci-après le courrier du Ministre de l’Intérieur et de l’Outre-mer.
Voici un extrait du compte-rendu de cette table-ronde que j’avais publié sur ce même blog : « Le président du Conseil territorial ayant quitté la réunion vers 16h30 pour d’autres rendez-vous, il m’est revenu la charge de conclure cette table ronde. Après avoir indiqué que les salariés d’Interpêche attendaient des réponses de cette réunion et que, sur ce point, la table ronde était décevante – j’ai déclaré à nouveau qu’il était impossible d’accepter la mort de l’entreprise Interpêche et le licenciement de ses salariés dans les prochains mois. D’autant qu’il serait complètement irréaliste de penser construire sereinement un plan d’avenir dans la concertation, sur fond de crise sociale.
J’ai ajouté que nous devions obtenir un délai supplémentaire, allant au-delà de la date de fin de convention (février 2008) et par conséquent une subvention permettant à Interpêche de fonctionner toute l’année 2008. Ceci nous donnerait le temps d’entreprendre la concertation locale nécessaire et de faire des propositions de restructuration. »
De cette première table-ronde ont découlé plusieurs actions et événements, dont, un peu plus tard en janvier, mon courrier d’alerte à Christian ESTROSI, l’occupation de la Préfecture par les salariés d’Interpêche, la venue éclair de Christian ESTROSI à SPM, dans la foulée, mon départ sur Paris dans le Falcon du Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer pour lui poser une question le lendemain à l’Assemblée Nationale afin d’obtenir une réponse officielle du Gouvernement sur la filière pêche, puis une seconde table ronde, toujours en janvier qui s’est soldée par :
« La proposition de l’Etat, en dehors des 90.000 euros pour les départs en préretraite, s’est concrétisée par une aide 2008 de 690.000 euros qui se décompose ainsi :
- 460.000 euros au titre de l’aide à la diversification du SEOM ;
- 90.000 euros au titre du ministère de l’Emploi ;
- 140.000 euros complémentaires du SEOM sur les 150.000 demandés (que j’avais pour mission – comme convenu avec les élus et Interpêche – de négocier auprès de C.ESTROSI dans le Falcon qui nous ramenait à Paris).
L’ensemble de cette proposition sera traduit dans une convention qui devrait être proposée à la société par le Préfet dans les jours à venir. »
Alors dire que je n’ai jamais rien obtenu pour la pêche Monsieur ARTANO, ou encore que je ne fais que critiquer et démolir « MLM », je vous trouve quelque peu de mauvaise foi. Oui, j’ai la faiblesse de penser que si les employés d’Interpêche ne se sont pas trouvés au chômage en 2008, c’est « un peu » grâce à mon travail. J’ai également la faiblesse de penser que si, comme je le préconisais, nous avions à cette époque mis à profit cette année de financement pour continuer le travail de mise à plat de toute la filière pêche initié par les tables rondes pour trouver une solution locale plutôt que de poursuivre la chimère Seafood soutenue par le Conseil territorial ; et bien nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui !
Je reste cependant prête pour travailler à une restructuration de la filière pêche avec l’ensemble des partenaires, collectif des salariés de l’ex-Interpêche, mais aussi avec les armateurs, pêcheurs et autres acteurs de ce secteur à Saint-Pierre comme à Miquelon. La politique maritime que nous devons construire ensemble doit se penser et se décliner sur les deux communes, selon les structures et les atouts de chaque pôle. Ce secteur restera, si l’on veut bien s’en donner la peine, une possibilité certaine de développement économique pour notre archipel.
Annick GIRARDIN
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