S’appuyant sur une estimation qui ne laisserait pas entrevoir un traitement par l’ONU du dossier de la revendication française sur le plateau continental avant 2030, le Conseil Territorial a voté à l’unanimité le 29 mars dernier, une délibération autorisant le Président du Conseil territorial à demander au Gouvernement français d’engager dans les meilleurs délais, des négociations auprès du Gouvernement Canadien, sans attendre l’examen par la commission de l’ONU du dossier de demande d’extension du Plateau Continental français au large des côtes de Saint-Pierre et Miquelon, eu égard aux enjeux actuels liés à l’exploitation des ressources en hydrocarbures de la région.
Le collègue d’Annick GIRARDIN, le conseiller territorial Yannick CAMBRAY – un peu surpris par ce dossier de dernière minute déposé en ordre du jour complémentaire – a voté bien entendu en faveur de cette délibération qui visait à faire avancer ce dossier primordial pour l’Archipel . Cependant, il faut faire montre en ce dossier de stratégie, de timing, et éviter toute précipitation.
Notre réussite jusqu’à présent dans le dossier du plateau continental a été le fruit d’un travail collectif et coordonné, avec un échéancier et un partage des tâches. Bref, un travail d’équipe où tout le monde « tirait dans le même sens » et la stratégie était déterminée ensemble et en amont.
C’est donc cette démarche qui est la bonne. C’est la condition de tout succès possible pour la suite.
Elle a nécessité :
1. une union des élus, de tous les élus – au-delà des intérêts politiciens – dans le cadre du Conseil des Élus ;
2. la création d’un collectif pour l’organisation de manifestations locales et pour mobiliser la population de l’Archipel, car nous sommes tous concernés ;
3. un lobbying efficace à Paris fait par les parlementaires de l’Archipel auprès du Sénat, de l’Assemblée Nationale et du Gouvernement :
- sur la base du rapport, co-signé par le Député et adopté à l’unanimité par l’Assemblée Nationale le 10 décembre 2008, sur « la délimitation des frontières maritimes entre la France et le Canada» – qui cite notamment les délibérations du Conseil territorial ;
- une campagne de médiatisation avec une conférence de presse à Paris organisée par les parlementaires avec la présence du Maire de Saint-Pierre et de l’un des deux co-présidents du Collectif ;
- une liaison permanente avec le Gouvernement, orchestrée par la Préfecture et les parlementaires;
Il est essentiel de ne pas perdre de vue le fait que c’est cette méthode qui a porté ses fruits, et on ne change pas une méthode qui a fait ses preuves.
C’est le rapport du Député qui a, pour la première fois et suite à un travail d’un an avec plusieurs des meilleurs spécialistes français du droit international maritime, mis l’accent sur l’importance de la négociation avec le Canada et sur la constitution d’un dossier de demande commune auprès de l’ONU comme solution à la situation de blocage réciproque des demandes de la France et du Canada.
Pour autant, avant d’entamer cette négociation, il est essentiel que la France se mette en position de la réussir. Il serait notamment dangereux de débuter une négociation avant que la France n’ait mené la mission scientifique nécessaire, prévue pour 2011, et complété son analyse juridique pour démontrer – comme elle en a les moyens – son bon droit à revendiquer une extension de son plateau continental au large de l’Archipel.
Ce travail est en cours et le Député avait largement informé les élus et la population sur cette phase de préparation technique. Le Secrétaire Général à la Mer, Jean-François TALLEC, l’a encore rappelé il y a quelques jours au Sénateur Denis DETCHEVERRY, confirmant en cela les informations données à plusieurs reprises, notamment lors de son audition à l’Assemblée Nationale en fin d’année 2009, lors de sa convocation par les députés du groupe d’études « Saint-Pierre-et-Miquelon », présidé par le député PRG de Haute-Corse, Paul GIACOBBI.
Il est donc non seulement inutile mais dangereux et contre-productif que d’exiger des rencontres franco-canadiennes sans que tous les éléments de négociation ne soient prêts côté français. Par ailleurs, dans son rapport accompagnant la délibération, le Conseil territorial le base sur un raisonnement erroné, en deux points:
- Première erreur : Le rapport affirme que la France doit déposer le dossier définitif au plus tard en 2013, ce qui est absolument faux. La Commission n’a fixé aucun délai pour le dépôt des dossiers définitifs après une lettre d’intention, 2013 étant le délai dont dispose le Canada pour déposer ses dossiers, définitifs ou préliminaires. Cela correspond au délai qui, pour la France, était fixé en mai 2009 – le Canada disposant de ce délai supplémentaire puisqu’il a ratifié la Convention de Montego Bay plus tard que la France.
- Deuxième erreur : La date de 2030, qui justifie la délibération du 29 mars, est en fait une projection donnée en 2009 par les responsables de la Commission pour plaider en faveur de moyens supplémentaires, pour réduire justement les délais d’instruction des dossiers. Ces travaux ont commencé à porter leurs fruits et, heureusement, le « scénario catastrophe » de 2030 semble avoir été évité.
Pour autant, concernant la délibération elle-même, dans la mesure où elle se limite à demander une négociation « dans les meilleurs délais », il est tout à fait possible d’y souscrire, tant que l’on n’oublie pas que ce délai est précisément celui qui est nécessaire pour que la France et l’Archipel puissent aborder cette négociation avec tous les éléments de la victoire en main.
Il convient donc dans l’immédiat de rester vigilants, de montrer à tous que l’Archipel ne lâchera pas, que ses élus demeurent actifs et prêts à intervenir, comme le Député l’a fait régulièrement et à nouveau le mois dernier, auprès de l’Ambassadeur de France pour les pôles arctique et antarctique, Michel ROCARD :
Lors de l’examen du Budget à l’automne, il sera temps d’obtenir la confirmation du Gouvernement que la mission scientifique est bien programmée pour 2011, comme prévu, dans le cadre du programme EXTRAPLAC.
Si ce n’était pas le cas, alors ce serait le moment de se rassembler et de remobiliser à nouveau toutes nos forces et tous nos moyens de pression pour exiger du Gouvernement qu’il tienne ses promesses.
Agir sans en avoir mûrement réfléchi les conséquences, ou simplement pour attirer l’attention, serait véritablement irresponsable sur un dossier aussi important pour l’avenir de l’Archipel que le plateau continental. Par ailleurs, tous les Ministères et conseillers estiment qu’il ne faut surtout pas mélanger les négociations avec le Canada sur la question du plateau continental, avec celles sur l’accord commercial UE/Canada. En effet, la France entend négocier au bénéfice de Saint-Pierre-et-Miquelon dans ce cadre, et il serait dangereux de mélanger les genres à la veille du prochain « round» entre l’UE et le Canada, prévu au mois de juin.
Il est du devoir du Député de rappeler ces éléments aujourd’hui afin d’informer, de prévenir les risques et surtout d’assurer que la concertation, condition de la victoire, puisse perdurer à l’avenir.
Le Député de l’Archipel reste solidaire des actions du Conseil territorial, tout en regrettant que celui-ci n’ait informé qui que ce soit de son initiative en amont, avant de prendre cette délibération qui aurait largement gagné à être rédigée différemment.
Commentaires récents