Toujours difficile d’analyser à chaud le bénéfice d’un déplacement officiel comme cette semaine passée en Islande à la fin du mois de juin dernier.
Le sujet de l’entrée de l’Islande dans l’Union Européenne était au centre des nombreux échanges que notre délégation de cinq députés français a pu avoir avec nos collègues députés, ministres ou encore le Président de la république Islandaise, avec comme sujet sensible « la pêche ».
En effet, s’il y a bien dans les futures négociations avec l’Union Européenne une question qui fera débat, c’est bien celle de la pêche. On peut craindre que la Gestion des stocks, l’attribution de quotas, l’ouverture des zones de pêche à des navires européens, mais aussi la possibilité pour des entreprises extérieures de s’implanter en Islande ou encore la reprise de la chasse à la baleine par l’Islande depuis 2006, seront des sujets brûlants et crispants.
L’Union Européenne est en pleine réforme de sa politique commune de pêche avec comme objectif de modifier son principe d’attribution de quota. Elle s’oriente vers l’attribution de quotas individuels transférables (QIT). Dans ce domaine, l’Islande a déjà expérimenté cette méthode et son bilan est mitigé. Si cette orientation a permis une plus grande rentabilité économique, elle a aussi provoqué une concentration très forte de la filière dans les mains de quelques investisseurs non-pêcheurs. Anticiper les effets pervers d’un système et l’encadrer en imposant des gardes-fous en amont, voilà ce que je proposerai lors de ma prochaine réunion de la Commission des affaires européennes en m’appuyant sur l’exemple Islandais.
L’Islande avait, depuis quelques années, tout misé sur un développement économique financier, mais son système bancaire s’est écroulé, laissant une dette colossale et plongeant le pays dans une crise sans précédent. L’appât du gain et de l’argent facile ont touché tous les niveaux de la population (milieu économique, élus et population). Un contrôle bancaire totalement défaillant et l’absence d’éthique ont produit une catastrophe économique et l’affaire « Icesave » est loin d’être réglé.
Mais la crise a aussi remis au centre du développement économique les valeurs sûres du pays, basées sur l’exploitation de leurs richesses propres, maritimes et énergétiques principalement. Les Islandais fiers de leur histoire, de leur culture et de leur extraordinaire biodiversité ont également misé sur leur valorisation au service d’un développement touristique mesuré (parcs naturels, musées, excursions maritimes, découverte de la faune et la flore locales…). Le président Islandais quant à lui estime que le positionnement géographique de l’Islande, véritable tête de pont de l’Europe sur l’Arctique, est un atout inestimable pour jouer un rôle économique fort sur la future route navigable « Asie- Europe ».
Il est plus qu’intéressant à mon sens, d’observer et d’analyser un pays qui prépare son futur économique, qui diversifie sa pêche, qui fait de sa biodiversité un atout économique, qui se réorganise et investit dans une logique de plate-forme de transit, d’avitaillement et de services. « Être prêts avant les autres, décider et maîtriser notre avenir voilà ce que nous voulons ».
J’avais pendant toute cette semaine un goût amer car j’avais sous les yeux un pays qui ressemblait étrangement au mien, mais avec une dynamique économique que je leur envie. Les islandais sont en train de réaliser ce que j’ai toujours estimé que l’Archipel devait faire pour s’en sortir : construire les bases solides d’un développement tournées vers l’avenir pour enfin cesser cette gestion au jour le jour qui nous épuise. Car même si l’Archipel n’a pas les mêmes atouts en terme de ressources, nos choix économiques, qui ne sont pas multiples, se ressemblent fortement. Il est plus que temps nous aussi de nous bouger, ou le train va nous passer sous le nez encore une fois et j’ai bien peur que ce ne soit le dernier !
Un autre atout majeur : les hommes et les femmes de ce pays. Leur force, leur fierté, leur courage, mais aussi leur solidarité, font que tous travaillent de concert, élus, sociétés privées, associations, population, tous unis dans une même dynamique pour préparer à l’Islande des jours meilleurs. Tous sont mobilisés pour changer de cap et faire que la crise financière qui a détruit leur économie s’éloigne le plus vite possible et que plus jamais cela ne se reproduise. Ils sont déjà dans l’action, mais pour cela il a été nécessaire de changer le gouvernement au lendemain de la crise.
Une belle leçon pour nous qui, jusqu’à présent, ne savons que commander sans fin des missions, qui entassons les rapports, les schémas et les plans en tous genres, mais qui au final, restons toujours à la case départ. Une belle leçon également pour certains élus ou responsables de l’Archipel qui pensent pouvoir tout faire seuls. Une belle leçon enfin, car pour réussir il faut savoir remonter ses manches et agir.
L’Islande est aride, volcanique, le climat y est rigoureux, la crise financière a été un cataclysme et pourtant les hommes et les femmes sont debouts et se battent. Le meilleur exemple est l’agriculteur qui se trouve au pied du volcan « Eyjaffalla Jükull » (celui qui a paralysé le ciel européen au printemps denier) qui, après l’éruption, a vu son exploitation couverte d’une couche épaisse de cendres, ruinant les efforts de trois générations. Avec la délégation, nous nous y sommes rendus pour évaluer les dégâts. Par un temps pluvieux et venteux c’était l’enfer, même munis de masques et lunettes il était difficile de respirer, et là, au beau milieu de ce paysage lunaire, le propriétaire de l’exploitation vous présente ses projets et les avancées de ces dernières semaines !!! Certes dit-il, « il y a des dégâts importants, les animaux seront maintenus en étable malgré l’été, les terres seront en grande partie inexploitables durant plusieurs mois, les ressources seront inexistantes ou presque pour cette année… mais dans un an, dans deux ans, avec l’aide de tous je devrais avoir surmonté tout cela » !
Il y a sans doute une part d’insouciance, le besoin d’y croire à tout prix, mais surtout il y a une « force » extraordinaire, celle d’une « identité » en acier trempé. Mais en Islande, la force de leur identité n’est pas qu’un slogan politique comme on nous l’a servi ici. Non, il s’agit d’une force saine, un véritable vecteur qui conduit l’Islande et les Islandais vers l’action et la détermination. Une force, que nous, Saint-Pierrais et Miquelonnais, avions dans le passé, cette même force que nous avons su retrouver durant le combat que nous avons mené tous ensemble pour le dépôt de la lettre d’intention auprès de l’ONU, revendiquant l’extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Annick GIRARDIN
Outre le Député de Saint-pierre et Miquelon, Vice-présidente du groupe d’amitié France/Islande, la Délégation était composée de :
- Georges Colombier, Président de la délégation
- Jean-Yves Cousin, Député du Calvados
- Jacques Desallangre, Député de l’Aisne
- Gérard Bapt, Député de Haute-Garonne
- Lionel Lucas, Député des Alpes-Maritimes
- Jean-Pierre Gousseau, Secrétaire de la délégation
Les rencontres officielles
La ferme au pied du volcan « Eyjaffalla Jükull »
La première photo est prise avec le propriétaire de la ferme, devant un image panoramique de la ferme avant l’éruption. Les photos suivantes sont celles de la ferme aujourd’hui, avec le sol couvert de cendres.
Des paysages extraordinaires
Très bel article mêlant courage, abnégation et réussite promise malgré les difficultés actuelles que connait l’Islande.
« Être fort, ce n’est pas ne pas tomber. C’est se relever à chaque fois que l’on tombe ». Nelson Mandela
on peut aussi parler de ST barthelemy certes sous les tropiques mais aussi collectivité territoriale et semble_t_il économiquement viable et avec une fiscalitè attractive
On est comme vous le soulignez plus proche de l’islande en matière de climat…..et pas encore sous les palmiers mais il y a peut-être des choses à voir.
En ce qui concerne l’identité utilisée en opposition par certains mouvements ce qui n’est jamais positif nulle part …on préférerait identité partagée …forte peut_être mais pouvant fédérer les énergies présentes sur l’archipel.
« Archipel présent ….l’identité partagée » sera toujours mieux que « demain »………et en fin de compte quand on partage un projet avec une population c’est un bon moyen de s’en sortir.